« Il n’y a rien de plus vertueux que de reconvertir un immeuble existant en un nouvel immeuble, illustration de la réversibilité de nos opérations. Et je pourrais encore vous citer ces parkings réversibles que nous construisons avec une hauteur suffisante sous plafond pour permettre dans quelques années, alors que nous aurons moins besoin de voitures, d’être transformés en… logements. »
Ces propos authentiques, nous les tenons du directeur régional d’une grande major nationale. Ils pointent parfaitement la prise de conscience contemporaine : construire durable, c’est d’entrée de jeu penser futurs usages.
La réversibilité de la construction, nouveau mantra chez les acteurs de la promotion immobilière
En « retournant » les usages d’un bâtiment existant (comme l’on retourne le col d’une chemise pour lui donner une seconde vie), mais aussi en envisageant d’emblée son évolution future et ses nouvelles attributions, la Profession Immobilière se fait plus que jamais agile, souple et plastique face à des enjeux environnementaux de plus en plus pressants.
Mais on revient de loin. Souvenons-nous seulement comment, pendant des décennies, la grande mode était de tout raser sous prétexte que ça coûtait moins cher que de rénover. On baignait alors dans le grand bain du jetable, de l’obsolescence programmée, de la modernité à tout va, les normes sans cesse renouvelées ne manquant pas d’appuyer cette tendance.
Aujourd’hui, à l’heure où l’on parle de plus en plus de Zéro Artificialisation Nette, de la nécessité de reconstruire la ville sur elle-même, de réutiliser pour tout nouveau projet les matériaux « historiques » d’un site démoli, non seulement on reconvertit mais on se projette : c’est ce que l’on nomme la construction durable. Là encore un adjectif mis à toutes les sauces (de l’agriculture à la mode), mais une chose demeure : construire coûte de plus en plus cher, la tension sur les matières premières et matériaux ne fait que s’accentuer, les coûts même de transformation d’immeubles de bureaux en logements restent importants.
Contexte dans lequel un bâtiment d’emblée réversible se pose bien là en termes d’éthique et de modèle vertueux avec la possibilité de changer son affectation sans trop de difficultés, en accompagnant les évolutions des modes de vie et la mutation des territoires (à l’heure par exemple où les métropoles de l’Ouest connaissent une affluence démographique continue).
Penser réversible ou la fin du geste architectural ?
« La structure en béton sans refends porteurs ne bloque pas les transformations futures. Cela permet de modifier les studios en T2 ou T3 (..) Avec ce projet régulier et sans surexpressivité, c’est le possible changement de destination du programme originel. J’ai imaginé un bâtiment moderne, qui allait autoriser plusieurs usages ». À entendre bien des architectes, cette nouvelle écriture architecturale, ni connotée bureaux, ni orientée logements, s’attacherait plutôt à additionner les caractéristiques des deux. Avec le risque de programmes livrés sans grande personnalité.
Après les premières propositions basiques, efficaces et « poly fonctionnelles », gageons que la créativité, comme le naturel, reviendra au galop. Et c’est tant mieux car la créativité qui, c’est bien connu, n’a jamais dit son dernier mot. La preuve avec l’impression 3D dédiée à l’habitat.
Construire durable en s’inspirant de ce que l’on observe
Repéré sur un salon immobilier nantais il y a quelques années, le premier projet national de maison imprimée en 3D, porté par LS2N (le laboratoire des sciences numériques de Nantes) a permis de créer des partenariats entre labos et constructeurs, qui ne cessent d’éclore un peu partout en Europe.
« Ma maison imprimée en 3D ? Heu …Oui mais faut voir ». On comprend votre réticence. On vous explique !
Tout d’abord : l’esthétique (parce qu’une image vaut tous les discours) : vous avez en tête le Palais Bulles, cette villa rose érigée en 1984 par Pierre Bernard avec l’architecte hongrois Antti Lovag et acquise par le couturier Pierre Cardin par la suite ? Hé bien, pour l’heure, c’est vrai que la maison en 3D affiche souvent des lignes tout aussi… Organique.
À présent la technique. Vous avez en tête la cartouche d’encre de votre imprimante : dans le cas présent, tout repose sur une « cartouche de béton ». En fait ces « imprimantes » sont à la croisée d’un robot à souder dans le secteur automobile et des imprimantes 3D plastiques. Soit un large bras automatisé, qui actionne un flexible qui lui-même dépose le béton, couche après couche, jusqu’à obtenir la parfaite réplique du design digital.
Mais quel rapport avec la construction durable ? En fait, l’idée est de construire en s’inspirant de ce que l’on observe dans la nature où les plantes et les arbres n’utilisent pas plus de ressources qu’il n’en faut pour permettre leur croissance ou leur bien-être, et ce seulement quand ils en ont besoin. Cette gestion efficiente – on ne va utiliser ici que ce qui est strictement nécessaire – se nomme l’optimisation topologique.
Concrètement : fini le coffrage par exemple. Ne sont ici requis que des moules où verser le béton avant de les retirer une fois que celui-ci a figé. De quoi, font valoir les laboratoires de recherche, tourner le dos au gâchis et en finir avec « des détours inefficaces propres à la construction des bâtiments des humains« .
Les architectes vont donc pouvoir s’amuser. On vous le disait plus haut : la ville durable sera cré-a-tive !