Les supermarchés se sont vu chahutés ces dernières années impactés par une baisse de pouvoir d’achat mais aussi par de nettes évolutions sociétales des consommateurs. Lassitude à devoir se déplacer en périphérie des villes, parkings saturés, expérience devenue harassante… Ajoutez à cela une bonne dose de prise de conscience environnementale et sanitaire (« Mais que nous donne-t-on à manger exactement ? ») et les chiffres sont tombés : la fréquentation des supermarchés a commencé à ralentir.
De quoi affoler les majors du secteur qui réaménagent leur magasin pour proposer de nouvelles expériences. Alors, faire ses courses oui, mais plus au pas de charge ?
Réinventer l’expérience shopping…
Ah ! Que la formule est jolie, presque lyrique, et nous n’avons certes pas été les derniers à l’entonner nous aussi dans nos derniers articles qui zoomaient sur cette nécessité contemporaine qui interpelle boutiques comme magasins, centres commerciaux comme hôtels.
Attirer, séduire et retenir : tel est le nouveau challenge après des décennies d’habitudes prises qui ont fini par se rouiller. Et le consommateur de déclarer (d’un ton assez péremptoire) : « faire les courses pour la famille en hypermarché ? Une corvée ! Chercher une place et un caddy, s’atteler à le remplir (a minima pour 4 personnes) les packs d’eau par-ici, les couches pour bébé par-là, sans oublier conserves et cornflakes (oui les enfants sont aussi avec nous !), c’est un cal-vai-re ! »
Alors, oui, d’accord, une enquête d’Ipsos (avril 2022) attestait que pour 56% des Français, a contrario, se rendre au supermarché reste un plaisir, un moment de détente tout autant que d’efficacité (on pense que ce sont les retraités ou actifs sans enfants qui ont répondu). Mais qu’on ne s’y trompe pas : la tendance est cependant à la baisse, année après année. Les temples de la consommation où l’on venait se prosterner, autant devant les écrans plasma que devant une célèbre pâte à tartiner aux noisettes, subissent des chutes ponctuelles de 20 % à 30 % de leur fréquentation !
S’adapter aux nouvelles exigences des consommateurs
Economie circulaire, consommer mieux en disant « non aux fraises en plein hiver » : entre la revendication sociale affichée et la tendance au locavore, le modèle des hypermarchés s’est pris une belle claque, de plus en plus perçus comme arrogants dans leur taille XXL, voire déconnectés des réalités avec leurs rayons largement fournis en produits issus de l’industrie agroalimentaire. Et ceci alors même que les analyses montrent que les consommateurs font « attention à consommer des produits alimentaires sains, équilibrés (75 %) locaux ou made in France (67 %). »
Certaines enseignes ont donc compris qu’il allait leur falloir revoir leur offre. Ainsi, du caddy aux rayons : revoir son merchandising est essentiel pour les géants de la distribution.
Un prototype de supermarché près de Nantes
« Des panneaux de lames de bois, éclairés à l’intérieur par des néons blancs, conduisent le visiteur à travers une sélection de produits sains et locaux. Aux produits ménagers succèdent les produits frais, l’épicerie et les produits de soin. En dehors des arches, une abondance de fruits et légumes de saison garnissent des rangements triangulaires en terre cuite. »
L’École de design Nantes Atlantique
Clémentine Lalloué, étudiante en Bachelor du City Design Lab de l’École de Design Nantes Atlantique, qui a imaginé un autre type d’expérience à mi-chemin entre le supermarché et la supérette. Un concept commercial alimentaire qui se transforme en une promenade bucolique via une succession d’arches végétalisées.
Du vert (avec des plantes suspendues), du terracotta (dont la couleur permet d’apporter une note chaude et profonde à tous les types d’intérieurs), ou encore le choix du chêne (stratifié au sol pour des passages intensifs ; également sur étagères pour un esprit « déco-maison ») : pas de doute, les porteurs du projet ont voulu un néo-agencement innovant, moderne (en résonance avec les attentes sociétales) et chaleureux (ici des assises sont même prévues pour se poser, voire papoter). On est donc très loin de l’ambiance froide, uniquement tournée vers le « consumérisme » mécanique des grandes surfaces.
Un prototype volontairement tourné vers une consommation plus responsable : une sélection d’aliments de qualité, des produits bio. On peut même enregistrer des recettes de cuisine affichées sur des écrans installés juste au-dessus ! Réveiller les papilles du client tout autant que remettre des paillettes dans ses yeux devant un légume oublié « mais au potentiel extraordinaire » ? On vous laisse juge !
Reconquérir sa clientèle avec de nouveaux agencements
En attendant de voir ce qui pourrait rester « dans la vraie vie » de cette simulation, et sans aller aussi loin dans la remise en cause de son ADN, les ténors de la GMS se sont lancés ces dernières années dans la reconquête de leur clientèle lassée par le toujours plus. En proposant un potager sur le toit ou encore un shop-in-shop, une serre de près de 200 m2 pour les fruits et les légumes, un concept finalement peu éloigné des corners de luxe dans les grands magasins.
L’enjeu ? Casser la linéarité du supermarché et proposer une nouvelle expérience client. D’autant plus qu’à l’intérieur, c’est du grand art : un mix d’étal de marché en plein-air avec des cagettes, des palettes, de la paille et des brouettes ! Quand l’agencement d’intérieur est tout sauf accessoire mais doit participer directement de la valeur ajoutée de l’endroit (on suggère aussi en fond sonore, le chant des grillons en été ; celui des bovins qui rentrent de pâturage à l’automne…).
« Quelle mise en scène ! », allez-vous me dire ? Hé ! Bien, vous voyez juste. De mise en scène à scénario d’usage, il n’y a qu’un pas. Nous évoquions le caddy plus haut : c’est fini ! Pour en revenir au concept de notre étudiante nantaise : sachez que tout en flânant entre les bananes et le vrac, le consommateur pourrait commander directement ses articles depuis l’application du magasin téléchargée sur son smartphone… Ceux-ci seraient alors préparés en réserve en temps réel, le temps de passer en caisse, tout lui serait amené dans des sacs éco-compatibles, bien sûr ! C’est beau, non ?
« Dis, chéri.e. On n’aurait pas besoin de beurre ? J’ai envie d’aller faire les courses… »